La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

jeudi 10 juillet 2014

Etres femmes #2

Vous pensez peut-être qu'une démarche féministe, portée par un certain nombre d'artistes femmes actuelles, est dépassée, et que prendre la relève des pionnières engagées dans les années 70 est totalement ridicule de nos jours. Dans ces années-là, les femmes dans le monde de l'art étaient invisibles, et le travail de Gina Pane, Judy Chicago, Faith Wilding, Orlan, secouaient déjà les tabous liés au corps et au plaisir féminin. Aujourd'hui, les choses n'ont (presque) pas changé, la présence des femmes reste minimale, alors qu'elles sont plus nombreuses que les hommes dans les écoles d'art et majoritairement diplômées.
Si vous croyez que les tabous sont moribonds, concernant la nudité des femmes, sachez que le moindre petit poil sous les aisselles, même blondinet et duveteux, est totalement proscrit dans les magasines, jugé inconvenant, négligé et sale. Alors que dire du poil pubien, immonde et dégoûtant. Le naturel est scandaleux, une belle peau n'a ni taches de rousseur, ni petits plis expressifs, ni grains pourtant de beauté, n'a jamais de cicatrices, ni jolies ridules qui étoilent le coin des yeux, rien. La femme belle et désirable est comme une statue, lisse, retouchée, artificielle, tenue à distance, toute vie effacée, niée, une femme acceptable est une femme morte.
Petra Collins, encore elle (voir Fatales ladies #1), a eu la surprise de voir son compte Instagram fermé à cause d'une photo, postée sur son compte, jugée dégoûtante, provocatrice, abominable. Prise à la taille, on voit ses cuisses et la culotte de son maillot vert, et horreur, des franges de poils follets et frisottés qui s'échappent. Un traumatisme !



Emily Jouvet se définit comme une féministe sex-positive. Photographe, cinéaste, son travail est un acte de résistance pour la liberté fondamentale de disposer de son corps et de choisir librement son orientation sexuelle, son genre, ses pratiques, hors des normes hétérosexuelles, du machisme et du puritanisme dominants. Très engagée dans le mouvement LGBT, elle œuvre à la prévention des violences dans le milieu lesbien, tourne des films de sensibilisation et d'information (sur les risques de maladies sexuellement transmissibles par exemple), et se bat pour les droits des minorités, quelles qu'elles soient.
Elle définit ses modèles comme des personnes ordinaires, normales dans le sens qu'elles revendiquent fièrement leur droit d'aimer, de fonder une famille, de travailler, scandaleuses et dérangeantes, parce qu'elles bousculent les schémas et les archétypes de la société. Féminités plurielles, pour reprendre le titre de l'une de ses expositions, qui torpillent les codes établis, brouillent le politiquement correct, agressent le bon goût et mélangent les genres, défrichent d'autres territoires, arrachent les étiquettes et en revendiquent de nouvelles, tatouées sur la peau.




Autre guérillerose qui fait bouger les lignes, étoiles pailletées au bout des tétons, Wendy Delorme est performeuse et strip-teaseuse burlesque, actrice (dans les films d'Emily Jouvet),  écrivain, avec des titres comme Quatrième génération, Insurrections ! En territoires sexuels, ou encore La Maman, la sainte et la putain, et enseigne à la Sorbonne les sciences de l'information et de la communication. Elle conduit des ateliers sexualités- plaisir et connaissance de soi, où dans une ambiance chaleureuse et respectueuse, les femmes rassemblées découvrent sur leur corps des choses encore inconnues et réactivent la sororité.
Vous considérez éventuellement que ce type d'atelier ne s'adresse qu'aux lesbiennes, aux nymphomanes ou autres dépravées. Que vous savez absolument tout ce que vous avez besoin de savoir pour vivre une sexualité équilibrée et satisfaisante, et que la libération sexuelle féminine a bel et bien eu lieu une fois pour toutes dans les années 70. Personnellement, j'ai appris des choses en me documentant sur le contenu de ateliers de Wendy Delorme. Si je savais déjà que les femmes pouvaient inonder leur partenaire, les fameuses femmes fontaine, j'ignorais que c'était grâce à leur prostate, scientifiquement nommée glandes de Skene. Et que si je connaissais l'existence du point G, j'ignorais qu'il pouvait y en avoir plusieurs ! Waooooooh !

Wendy Delorme. Photo Yann Levy
Pour clore le petit tour d'horizon, une halte sur l'action de Déborah de Robertis.  Le côté spectaculaire, exhibitionniste était absent de son acte artistique, issue d'une réflexion et d'une démarche. Elle est arrivée tranquillement, toute mignonnette dans sa robe dorée, dans la salle du musée d'Orsay où était exposé le tableau de Courbet, l'Origine du monde. Devant le public médusé, elle s'est assise sous le tableau, a ouvert les jambes, exposant le cœur intime de son anatomie. Un scandale ? pas vraiment. Le public s'est attroupé, a applaudi, les gardiennes du musée et de la morale se sont interposées pour cacher l'attentat à la pudeur, l'artiste est restée immobile, calme et sage, naturelle, offrant un corps, un visage, une identité au tableau de Courbet. Le directeur lui a fait remarquer qu'elle aurait pu demander une autorisation, et le scandale est retombé comme un soufflet.
Je me souviens de l'œuvre réalisée par Orlan, en 1989. Plagiat du tableau de Courbet, le sexe masculin porte le titre l' Origine de la guerre.
Dernier clin d'oeil à Petra Joy, écrivain, photographe et cinéaste sex-positive, qui revisite le porno, jugé dégradant pour les femmes, et invente le film érotique féminin. Elle explore leurs fantasmes et propose une nouvelle sensualité, libre, drôle, créative, respectueuse des femmes et de leurs désirs. Est-ce pour cette raison qu'elle a l'air de s'éclater autant, Petra ?
(Je me demande si Joy est son vrai nom, et si elle l'a choisi, j'imagine une allusion provocante de sa part, on appelait communément autrefois les prostituées les filles de joie).


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