La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

jeudi 22 août 2013

Ronds d'eau (la ballade du ricochet)



Cyril Jarton est écrivain et critique d'art. Son travail d'écriture, il le traduit dans l'espace et en actions façon happenings et met en scène poèmes et textes performances. Enseignant à l'Ecole Supèrieure d'Art d'Avignon, ses travaux de recherche portent depuis quelques années sur le jeu comme art et mode de vie. Fondateur de la Fédération Mondiale du Ricochet, il se veut théoricien du rebond du petit palet sur l'eau et organise depuis 2010 des championnats du monde (j'ai appris que le record est détenu par l'Américain Russel Byars avec 51 rebonds en un seul lancer !).

Nous devons à Cyril Jarton d'avoir exhumé et porté à notre connaissance les recherches d'un scientifique italien du XVIIIe siècle, Lazzaro Spallanzani (Lancers et rebonds de pierres sur l'eau aux éditions Villarrose). Son essai, paru en 1765, et qui porte le titre magique de De lapidibus ab aqua resilientibus dissertatio, rend compte de ses expérimentations concrètes pour établir les lois physiques du ricochet, l'étude de la rotation du petit galet, la proportionnalité entre sa vitesse minimale et la racine carrée du rapport poids-surface et autres complexités mathématiques. Le ricochet est une énigme qui devrait nous émerveiller et qui continue de passionner les scientifiques partout dans le monde et depuis plusieurs siècles. Pourquoi un petit galet lancé à la surface de l'eau préfère-t-il rebondir sur la surface fluide plutôt que couler à pic ? Se contenter de le jeter lourdement provoque la noyade. Mais le lancer avec la technique qui convient entraîne un chapelet de petits sauts réjouissants, qui dessinent à chaque impact des ondes concentriques à la surface de l'eau, jusqu'au dernier plouf, la force de l'élan une fois épuisée. Ainsi il faut saisir le galet entre le pouce et l'index et le lancer dans un mouvement gyroscopique dans lequel le bras et le poignet participent avec vigueur et souplesse. Le lanceur se tient perpendiculaire au plan d'eau, les jambes fléchies. Il peut lancer immobile ou avec élan, avec un mouvement du bras d'avant en arrière ou du haut vers le bas, ce dernier avec un angle de 20° garantissant le lancer le plus puissant et le plus fécond en rebonds.
Outre la dimension sportive et scientifique, le ricochet recèle d'inépuisables trésors. Richesse artistique et ludique, onirique et poétique, et même philosophique. Sous le regard de Cyril Jarton, la trajectoire du ricochet sur l'eau devient métaphorique de la vie elle-même. Ne parle-t-il pas du grand saut, le premier avant l'impact, puis de la danse, la succession des rebonds, puis de la traîne, le glissé final avant le coulé définitif ?


Chaque championnat est l'occasion d'organiser des ateliers pour réaliser les palets en terre glaise et le public trouve là une opportunité créative et la possibilité de (re)découvrir les berges des étangs et des rivières. La dimension collective s'élargit avec l'impact écologique, le plaisir au bord de l'eau générant le désir de protéger les sites accueillant ces manifestations joyeuses et bon enfant. Les petits palets de glaise tombés sous l'eau sont vertueux et contribuent à fixer et consolider les fonds des lacs et des cours d'eau.
Le collectif de la Folie Kilomètre, groupement de plasticiens, d'artistes du spectacle vivant et d'aménagement du territoire basé à Marseille s'est emparé du ricochet pour l'exploiter à sa façon... lumineuse. Il organise des championnats du monde de ricochets, fluorescents cette fois. Célébrant le côté "générationnel, fédérateur, humaniste, pacifiste et gratuit " de ce sport amateur et l'élevant au niveau d'un véritable " art naïf ". Plouf, plouf et plouuuuuuuuuuuuuuffffffff !