La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

dimanche 6 janvier 2013

Papillotes ( perles rares et boucles folles )

Les fêtes de fin d'année s'éloignent. Le sapin a été dégarni, subsistent encore les petits photophores sur le rebord de la fenêtre du salon qui tremblotent le soir venu, histoire de prolonger la magie de Noël. Et dans une coupe sur la petite table, quelques friandises en sursis, réchappées des attaques gourmandes de cette période, entorses fatales à nos régimes, mais ô combien délectables, dont la fréquence compulsive se révèle inversement proportionnelle à la tyrannie de nos programmes minceur.
Dans la série des friandises sans lesquelles un Noël digne de ce nom ne saurait prétendre au statut de fête traditionnelle, se trouve en tête de liste la star incontestée, j'ai nommé la papillote, qui résiste bien souvent jusqu'à la fin janvier. Conditionnée en sacs, elle s'achète en quantité (il s'agirait de 300 millions de papillotes englouties par an !) et le stock bruissant dans son papier doré s'écoule lentement, faisant durer le plaisir.
Je raffole des histoires attachées à la création d'un objet ou d'une pâtisserie devenus des mythes légendaires. Dans le famous blog, j'ai déjà parlé de la Vache qui rit, des boules à neige, des gâteaux tétons de Sainte Agathe. Je ne résiste pas à partager la légende qui entoure la fabrication des papillotes, qui rappelle curieusement celle de la boule à neige. Il semblerait en effet, que dans les deux cas, une histoire d'amour soit le prélude d'une invention originale increvable.
A la fin du XVIIIe siècle, à Lyon, un jeune apprenti chocolatier de la maison Papillot, tombe follement amoureux (l'histoire n'a pas retenu son nom, quelle injustice !). Si l'amour donne des ailes, il donne aussi de l'audace, et développe la créativité. Pour déclarer sa flamme à sa belle et implorer des rendez-vous, notre confiseur en herbe attisait sa gourmandise, et lui offrait un chocolat qu'il avait chapardé, enrobé d'un petit billet doux. J'ignore si la belle fut conquise avec des friandises, mais monsieur Papillot n'était pas du genre sentimental et ne se montra guère indulgent envers la témérité passionnée de son apprenti. Il l'espionna, découvrit les vols répétés de marchandise, et le renvoya, mais sut exploiter sans le moindre scrupule son idée originale, et bâtit sa fortune sur la commercialisation d'une confiserie emmaillotée, chocolat, fondant ou pâte de fruit, contenant chacune une charade ou un bon mot. La papillote était née !
La vraie papillote est toujours emballée dans un papier doré ou argenté, aux deux extrémités frangées torsadées, l'ébouriffement symétrique latéral est obligatoire, et outre la devinette, le petit paquet brillant peut contenir un pétard à tirette, et pour la version de luxe, plus sophistiquée, une citation d'un grand auteur. Peu importe l'histoire un peu triste qui présida à son origine et l'usurpation de paternité, elle continue de trôner sur la table de Noël, symbole de trêve et de réconciliation.

papillote de luxe avec citation

J'ai appris qu'il existait des collectionneurs de devinettes de papillotes, et un chercheur du laboratoire d'informatique et de robotique de Montpellier s'est même intéressé à l'estimation du nombre de citations différentes dans les papillotes. Dans une étude scientifique sérieuse et drôle en même temps, Philippe Gambette, c'est son (joli) nom, a élaboré une méthode, collecté des données, établi des statistiques, dessiné courbes et graphiques. Je ne vous révèlerai pas le résultat chiffré de son étude, à découvrir sur son blog :
http://gambette.blospot.fr/2009/11/mathematiques-des-papillotes.html
Les devinettes des papillotes sont comme les blagues des Carambar et les vignettes des Malabar, une institution française. Volontiers absurdes, leur humour décomplexé ( contesté par beaucoup ) repose sur leur logique discutable, et les calembours improbables et patauds assortis de petits dessins revendiquent une absence totale de subtilité. Cependant, une telle constance dans le mauvais goût confine au kitsch absolu, et je trouve même une dimension poétique à ces charades sans queue ni tête, qui défient tout esprit cohérent normalement constitué. Ne cherchez pas la solution, de toute façon ce serait peine perdue et le blagueur le sait. Attendez la révélation de la solution, et supportez la satisfaction goguenarde de votre interlocuteur qui attend son petit effet, suspendu à votre air incrédule. Dans cette situation, vous devez vous esclaffer, et exprimer systématiquement votre surprise en découvrant le dénouement imprévisible de l'histoire. Mais si vous riez trop franchement, gare à vous, vous vous exposez à ce que le blagueur interprète votre réaction comme un encouragement, et persiste à vouloir vous servir un florilège de ses meilleures devinettes ! NB : un spécialiste de devinettes papillotantes est quasiment intarissable.
Quelques perles parmi d'autres :
Qu'est-ce qui est tout petit, vert, qui monte et qui descend ? Un petit pois dans un ascenseur !
Qu'est-ce qui est noir, vit sous terre, et avance à 50 km/h ? Une taupe qui roule à mobylette !
Pourquoi les Indiens d'Amérique ont-ils froid ? Parce que Christophe Colomb les a découverts !
( Dans ce cas particulier, l'effet comique suppose une certaine culture générale. )
Une dernière petite vignette, qui fonctionne uniquement si vous avez entendu parler de Léonard de Vinci :


Lorsque j'étais enfant, la raideur de mes cheveux me désespérait. Une vraie princesse porte les cheveux longs et bouclés, et cette réalité ne souffrait aucune exception. Maintenant, je suis une vraie princesse avec les cheveux lisses mais depuis mon enfance, les mœurs ont évolué, et même le monde princier est devenu plus tolérant avec le protocole. Je harcelais ma mère pour qu'elle me pose sur la tête des papillotes, non pas des bonbons enturbannés, mais des petites bandes de coton serrant les mèches de cheveux en ballotins rebondis.

J'explique la technique aux princesses à cheveux raides qui voudraient l'expérimenter. Mouiller et essorer les cheveux, déposer une noisette de produit fixant pour optimiser le résultat, découper dans un vieux torchon tout doux qui a beaucoup vécu, des bandes de tissu de 2 cm de large sur environ 30 cm de long. Enrouler chaque mèche autour du lien jusqu'en haut et attacher la petite boule de cheveux avec un nœud. Ensuite aller se coucher ( prévoir cette opération le soir de préférence ), et essayer de dormir avec la tête pleine de bosses. Il faut souffrir pour être belle, impossible de trouver le sommeil la tête sur l'oreiller et encore moins suffocante le visage enfoui dans l'oreiller, ou encore écrasé de profil le cou dévissé. A moins de dormir assise, ce qui est une solution. Le matin, mine chiffonnée de rigueur, torticolis, mais le calvaire enduré en vaut la peine ! Le miracle s'est produit pendant la nuit. Chaque petit nœud défait laisse s'échapper une jolie boucle bondissante sur les épaules, les cheveux vivent enfin leur vie de rêve, indépendants, fiers, brillants et spirituels.