La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

lundi 26 décembre 2011

Joyeuses Fêtes



Mon sapin cette année est réduit à sa plus simple expression, épuré, graphique, débarrassé du superflu, un sapin de temps de crise, non dénué d'humour et de poésie cependant, un sapin d'hiver qui attend le printemps, un sapin qui laisse passer les gouttes, oui, notre vieille Europe prend l'eau, nos modèles fuient de toute part, nous voilà arrosés, transis, ballotés par des vents défavorables, mais la pluie lave, ravive les couleurs, réveille, stimule les petites pousses qui dardent leur pointes vertes vers le ciel.
Une carte de voeux pour les amis qui passent par ici. Je vous souhaite des fêtes toniques, pleines d'espérance.


Lorsque nous écoutons le fracas de l'arbre qui s'abat, nous ne pouvons pas entendre la forêt qui pousse. 

Ce proverbe est parfois africain, quelquefois indien, et aussi de temps en temps attribué à Hegel mais peu importe. J'adopte ce sage conseil  universel de ne pas me laisser distraire par le vacarme, et de rester concentrée sur les signes qui annoncent le renouveau. Je ne veux pas mourir demain, ou après demain, désabusée, ou abasourdie, ou encore sidérée. Je veux mourir bien vivante, et non pas recroquevillée sous un parapluie qui me cache le ciel.

mercredi 21 décembre 2011

Le Père Noël est un artiste

Entrée libre

Je me consacre enfin à la chronique d'un évènement culturel auquel je contribue en ce moment comme médiatrice, avec plusieurs jours de retard. La maîtresse acceptera mon mot d'excuse si elle sait que j'ai mis du coeur à l'ouvrage ( et oui, je l'ai jeté dans l'aventure ) et qu'un virus nomade colonise ma gorge, embrume ma voix, enserre mes tempes et carbonise ma poitrine. Personne ne m'a demandé de me consumer sur l'autel de l'Art et des artistes, mais comme d'habitude, je fais mon intéressante.
La Place des Arts à Toulon est une association dont la mission est tellement unique qu'elle mérite d'être distinguée. Elle offre en premier lieu une écoute attentive, et dans cet espace ouvert, un projet artistique peut s'énoncer, ensuite se construire dans la réalité, et au contact des autres, s'enrichir et s'affirmer. Et par les temps qui courent, ça fait du bien.
Du mieux qu'elle peut, et avec les moyens du bord associatif, elle accompagne les acteurs du secteur culturel pour mener à bien leurs projets professionnels. En leur apportant du conseil, de la formation dans des ateliers spécifiques et adaptés ( créer son site internet, choisir son statut fiscal et social, réaliser son book, développer son réseau... toutes ces étapes indispensables ), et en mettant à leur disposition une galerie boutique.
Noël approchant, l'occasion était toute trouvée pour solliciter les créateurs de la maison Place des Arts à aller à la rencontre du public, plus enclin peut-être en période de Fêtes à accueillir les suggestions de cadeaux.
Le Noël des créateurs s'éclate au coin de la rue, c'est le moyen de tricoter du lien, de fédérer les talents autour d'un évènement, de provoquer les rencontres, d'écrire un itinéraire comme une guirlande autour d'un lieu d'exposition, proposer un lèche-vitrine avec des oeuvres qui attisent les convoitises, tenter d'allumer un coin de quartier un peu ingrat, et des ombres qui dansent sur les façades des maisons murées. C'est la façon dont je vois les choses, avec humilité ( la médiation est au service des oeuvres, des artistes, du public ) et audace en même temps ( parce que j'y crois encore ).




Petite visite commentée, hop là, c'est par ici !


Les planches sont épaisses, usées comme un pont de bateau, creusées au milieu et l'herbe y pousse, et découpe un  rectangle de verdure où l'on pourrait semer des fleurs... La table de Bertrand Paul subit une mutation, devient pelouse, évoque le pique-nique à la campagne, et étrangement, entretient une drôle de connivence avec l'installation ludique et poétique de Thomas Bissière, Le Déjeuner sur l'herbe. Posée sur un tapis vert et dru, une table épurée à l'extrême, et dessus, comme sur un écran, l'image projetée d'une jeune femme qui tournoie, semant autour d'elle les fleurs du tissu imprimé de sa robe d'été. Hypnotique et lancinant, comme un souvenir qui vous obsède.




Dans la vitrine, les cartes postales tendres de Lisa Dora Fardelli redonnent le goût de la correspondance, celle qui fait coucou, juste comme ça, semée de petites phrases...  Il fait très beau je pense à toi bisous.
Les lampes et suspensions de Delphine Augé, choux de papier plissé froufroutant, défient la pesanteur, ou invitent au recueillement, livres ouverts dont on ébouriffe les pages et qui font le dos rond sous la lumière.






Les petits personnages de papier de Renaud Piermarioli, courent en  rond, pressés, absurdes et fragiles, sans jamais se rejoindre. Hé ! Ne pars pas ! Attends moi ! Pfff... hh... hh... Pfff...
C'est drôle, et tragique en même temps, comme la condition humaine.
Où il est dit qu'il est incontournable de courir après l'inaccessible.


Et si nous poussions la porte pour entrer ? 



La mort sourit de toutes ses dents cannibales, parée, tatouée, brodée, fardée, emperlousée et provocante, ravageuse et tape à l'oeil. Les crânes de papier mâché de Frédérique Montagnac hypnotisent et ricanent, roulent des orbites fleurs et des yeux paillettes, se moquent de notre fascination superstitieuse, claquent des crocs dans un show chicano, et racolent comme une attraction de fête foraine.


Un collier, dans l'univers d'Anne Daniel, peut tenir chaud, comme un petit col prévenant qui se boutonne, et oblige à porter la tête haute. Il y a des reines qui subliment les brins de laine, choisissent le bois flotté comme parure, érigent la noix de cyprès au rang de pierre précieuse, et empruntent les franges des abat-jours pour voiler joliment la naissance de leur cou.



Vincent Yohannhardt, Méphisto du container en PVC, transfigure bidon, jerricane et bouteilles, il les chauffe, les tord sous la flamme, les perce, les évide, les écrase, et la lumière à l'intérieur, c'est le feu qui couve... Maquillée de peinture métallisée, la matière triche, et éclabousse le mur de gouttes ambrées.






Les déclinaisons ludiques d'un crochet à vis, mis en scène dans tous ses états, dans des vignettes laconiques, sont si pertinentes et si drôles... hameçon du poisson, point d'interrogation, haltères du gymnaste....  Renaud Piermarioli, avec des petits dessins qui disent tout l'air de rien, explore le jeu des possibilités et des combinaisons qui font mouche.

Lisa Dora Fardelli dessine des lapins roses avec des nez comme des coeurs pailletés, des petits nuages flottant et irisés, et des fleurs sur de longues tiges. Elle dessine de très beaux portraits de femmes, sensuels, avec un trait sûr, nerveux et élégant, des encres douces en lavis qui laissent passer la lumière. Elle dessine aussi des corps nus, renversés, offerts, ouverts, sauvages et provocants, décapités, écartelés. Lisa Dora est une drôle de fille, un mélange détonnant d'enfance, sucrée et tendre, et de crudité débridée qui n'a pas froid aux yeux.





Demi mondaine



Quel mystère inquiétant s'échappe de cette oeuvre à la fois provocatrice, irrévérencieuse et solennelle. Une femme est mise en scène, comme dans un portrait de cour, elle est assise en robe de marquise. Sa tête étrangement est celle d'une poule, cocotte travestie, et son bras brandit un sceptre étrange, un instrument d'astronomie, qui mesure la course des astres et pousse comme un arbre.  
Marc Bonet Durbec emprunte à la tradition du photomontage dada, et greffe éléments organiques et mécaniques pour recomposer une figure hybride et onirique, qui sonde avec un humour grinçant le rapport entre l'image et les mots et le vertige des apparences.






La maison Place des Arts accueille d'autres pensionnaires, et grâce à Patrick Palmer, photographe, qui capte les reflets de la ville, l'ancienne qui s'éteint, et un instant vacille encore, et la nouvelle qui pousse, je voudrais rendre hommage au chat. Comme il existe des rats de bibliothèque, Diamant est un chat d'exposition, immobile et délicat, un chat mélancolique et graphique qui parfois graphe, mais jamais ne gratte ni ne griffe.  

Et pour compléter, histoire de ne pas mourir totalement idiot(e), petit tour des blogs amis qui relaient l'évènement, celui de Patrick Palmer, celui de La Fiancée du pirate, celui de Florence Galibert, la fée majeure de Place des Arts, le blog officiel de l'association ADAI-Place des Arts, celui de Variation.
Et pour finir, Iconophage, l'émission culturelle de Radio Active. Des liens en veux-tu, en voilà, et TRA LA LA, LA LA !

samedi 3 décembre 2011

Coup de boule

En 1877, George Anthème Lenepveu avait 20 ans et travaillait comme apprenti chez un maître verrier, à Bayeux. Il était aussi livreur, et apportait régulièrement leurs commandes aux clients, avec le soin et la délicatesse qui convenaient à une aussi fragile marchandise. Un jour, il se rendit dans un grand hôtel, luxueux, dont l'histoire n'a pas jugé bon de retenir le nom, pour déposer un service de verres et curieusement, ce détail est parvenu jusqu'à nous. Cette livraison, banale obligation liée à son activité professionnelle, allait bouleverser sa vie. Il croisa par hasard la jolie Natalia Fedorovna Korkov, jeune demoiselle en vacance, pas farouche pour deux sous, et dont le naturel et la sincérité faisaient fi de la conscience de classe. Elle confia sa nostalgie au jeune prolétaire, et même si sa bonne éducation lui dictait de ne pas froisser son interlocuteur en critiquant la Normandie qui l'ennuyait à mourir, elle avoua son impatience de retrouver au plus vite les neiges de sa Lituanie natale. George Anthème en perdit totalement la boule, et tomba éperdument amoureux. Les confidences de la jeune Natalia l'émurent profondément et il n'eut de cesse de trouver un moyen de rendre le sourire à la belle éplorée. Sa brûlante passion l'inspira, et il créa un cadeau inédit, tendre et poétique, une boule de verre qui contenait de la neige qui virevoltait quand elle était gentiment secouée. Ainsi, lorsque Natalia était en proie au cafard, plutôt que de s'abîmer dans le désespoir, elle agitait la boule de son prétendant, faisait tomber la neige, et souriait. La première boule à neige était née, inventée par amour, pour sauver de la dépression une adorable exilée.
Certes, George Anthème faisait tomber la neige sur la cathédrale de Bayeux, sa référence touristique à lui ( j'imagine qu'il n'avait pas beaucoup voyagé ) enfermée dans une bulle d'eau et de verre, plutôt que sur Vilnius ou la mer Baltique. Qu'importe, le charme opérait malgré tout, la seule vue de la neige revigorait le coeur slave de la douce Natalia habituée à la froidure et j'imagine qu'une fois rentrée dans son pays avec la petite boule, elle l'a posa sur une étagère lituanienne, souvenir qui lui rappelait l'offrande touchante de son amoureux éperdu.
Le patron maître verrier de George Anthème fut impressionné par le talent de son jeune apprenti, et décida d'utiliser sa performance technique pour présenter des créations originales à l'Exposition Universelle à Paris en 1878. Les visiteurs enchantés découvrirent alors les boules de verre refermées sur un petit sujet et des flocons follets. Mais si George et son boss comptaient faire fortune dans la boule, ils furent incapables de protéger leur trouvaille. Las ! Les industriels rapaces s'en emparèrent, et quelques années plus tard, à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1889 où la tour Eiffel fut inaugurée, des milliers de boules à neige commémoratives inondèrent Paris. Le succès fut foudroyant, mais George Anthème ne recueillit jamais les fruits de son génie. De quoi avoir les boules jusqu'à la fin de ses jours ! Le malheureux partit même en Russie pour tenter de retrouver sa bien aimée, et revint bredouille. L'histoire ne dit pas si elle refusa de l'accompagner en Normandie, ou bien s'il ne parvint pas à la retrouver. Mais il rentra seul à Bayeux, son amour perdu, et dépossédé de ses boules dont il ne put jamais revendiquer la paternité. Quelle triste histoire ! Mais la boule à neige continua allègrement sa trajectoire vers le succès, franchit les frontières, longtemps dédiée aux sujets religieux, à la Sainte Vierge surtout, impassible sous les flocons, dispensant sans fléchir dans la tourmente son immense mansuétude.

Avec l'avènement des congés payés, la boule à neige devint souvenir de vacances, les stations balnéaires grelottaient, minuscules territoires prisonniers d'un blizzard furieux, les stations de ski devenaient à la mode, et il neigeait sur les sapins derrière la fine paroi transparente. La boule à neige conquit l'Europe, le monde, l'hiver s'abattit sur tous les coins de la planète, sur les capitales et les monuments remarquables, sans souci de la latitude et au mépris des conditions géographiques. Il n'y avait pas que les verres d'eau qui subissaient les tempêtes, dans une bulle de verre, le temps mauvais était prisonnier, mais s'acharnait en vain sur un décor intact. Le souvenir résistait à l'ouragan et émergeait du désastre. Les tours jumelles du World Trade Center sont toujours debout, saupoudrées de neige et de paillettes, sous leur dôme délicat.
Enfant, j'ai tremblé pour le petit chalet perdu dans la tempête, j'ai tremblé avec délice, parce que je décidais du sort de cet univers de poche livré à ma merci, je commandais aux éléments. Je choisissais la fureur qui se déchaînait sur les buildings et les palmiers du désert, les pyramides et le voilier sur les
vagues, j'acceptais magnanime de laisser le calme revenir, et les petits flocons tourbillonnants retombaient silencieusement. Ivre de pouvoir, je régnais sur la météo, je tenais le monde au creux de ma main, San Francisco, Bruxelles, Lisbonne, Rome et Tokyo, j'étais une géante, je déclenchais les bourrasques, et le temps m'obéissait. J'étais Dieu, j'étais partout à la fois, et ma puissance balayait l'Univers. D'autant plus impitoyable que son déchaînement ne laissait aucune trace de son passage, le monde retrouvant chaque fois son immobilité tranquille et protégée.
Traveler 250. 2008

Traveler 170  2010
Deux artistes contemporains ont choisi la boule à neige pour y enfermer des petites scènes mystérieuses, souvent inquiétantes. De minuscules drames silencieux et captifs qui n'espèrent aucun secours. Une balade sur le site de Walter Martin et Paloma Munoz s'impose !