La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

mardi 29 novembre 2011

Catalogue des nuées

Me voilà dans les nuages, icônes météorologiques et symboles du monde onirique, reliant le rationnel et le spirituel, le scientifique et le magique.
Les nuages parlent du temps qu'il fait, des orages qui se préparent et du calme espéré, ils cachent la maison du Père Noël, et abritent le Paradis. Ils inspirent les poètes, les rêveurs, ceux qui espèrent s'affranchir de la pesanteur ici bas, persuadés que l'infinie perspective les libèrera de  l'étroitesse de vue. Dans leur course mouvante effilochée par le souffle du vent, ils recueillent les prières et enfouissent les secrets dans leurs joues molletonnées. Etiré, effrangé, éparpillé, pommelé, dodu et boursouflé, nacré, iridescent, mordoré, primesautier, transparent, diaphane et froufroutant, sombre et menaçant, lourd, dense et barbouillé, le nuage a ses états d'âme.

Dans le monde des nuées, la hiérarchie la plus stricte est de mise et structure l'espace floconneux. Tout en haut, au-delà des 5000 mètres d'altitude, dominent les cirrus, élégants et bouclés, ceints de cristaux de glace miroitants. Le dessus du panier céleste, même si parfois des unions sont consommées avec des occupants des couches inférieures. A l'étage du dessous, plutôt vers 3000 mètres, les cumulus, comprenez les rondouillards gonflés de gouttes d'eau, mais qui n'annoncent pas forcément la pluie, privilège réservé aux nimbus de la même famille. Enfin, le rez de chaussée, où prolifèrent les stratus, sortes de millefeuilles ouatés en couches disposés, dont la plus banale des métamorphoses au raz du bitume, se trouve être notre vulgaire brouillard. Si chacun voulait bien rester sagement à sa place à l'altitude qui lui est dévolue, l'ordre pourrait régner dans le ciel. Mais les nuages sont rebelles et s'acoquinent sans vergogne, multipliant les liaisons les plus fantaisistes, cirrocumulus, cirrostratus, stratocumulus, nimbostratus et j'en oublie, créant un joyeux foutoir dans l'azur. Pour compliquer davantage la situation, chaque famille nuageuse, selon l'altitude où elle perche et son apparence, se décline en plusieurs genres. Ainsi les castellanus surmontés de tours crénelées comme les châteaux du Moyen-Age, les spissatus, entonnoirs pissant les orages, les fibratus, filamenteux plutôt que floconneux, les vertébratus, hérissés comme des arêtes de poissons volants, les calvus, au sommet lisse et rond, les capillatus, hirsutes et chevelus, les floccus, joufflus et rebondis, les mamma qui portent sous leur ventre des guirlandes de tétines gonflées d'eau, les radiatus, qui ne chauffent pas, mais rayonnent.

J'ai pensé longtemps que les cumulus étaient inoffensifs, avec les fractus amoindris en longues traînées alanguies, les humilis, petits nuages pétaradant sans prétention dans le ciel d'été, les mediocris, qui comme leur nom ne l'indique pas, affichent un volume fort respectable, débonnaires sans aucune précipitation annoncée. Mais j'ignorais l'existence des congestus, choux-fleurs de mauvais augure, et des pyrocumulonimbus, champignons funestes jaillis d'une source intense de chaleur, et qui couronnent l'explosion de la bombe atomique. Hormis ces patibulaires, les cumulus ont l'air serein, mais il ne fait pourtant pas bon les croiser en altitude. Maniaco dépressifs, sujets à des accès de violence, ils chahutent les avions qui dévissent du firmament, et s'écrasent au sol, aspirent les planeurs égarés, enserrent les carlingues d'étreintes glacées et mortelles, les cisaillent en pluie de confettis métalliques. Gare aux parachutistes et autres parapentistes ! Le cumulus n'en fait qu'une bouchée et les happe dans ses cumuli trompeurs. Siphonnés, puis asphyxiés, congelés et enfin électrocutés, les malheureux ne survivent que rarement à une rencontre aussi cumulante. Sauf Ewa Wisnierska, championne allemande de parapente, et fille de l'air héroïque. Elle a survécu à une aspiration ascensionnelle de 9000 mètres à l'intérieur d'un cumulonimbus glouton et récupéré toutes ses facultés, pourtant dramatiquement secouées !

Au ciel, c'est là que certains croient qu'ils iront après leur mort, retrouver les nuages qu'ils n'ont pas aimés sur terre quand ils s'amoncelaient, portant leur ombre menaçante sur leur bonheur fragile. Au Paradis, le temps est couvert, la béatitude est truffée de nuages imprévisibles qui bouchonnent, fondent dans l'azur comme des sucres, et cristallisent de nouveau, sans fin. L'Eden devrait récompenser d'abord les amoureux de la true life, familiers des orages, des horizons incertains et insaisissables, des ombres qui glissent et des certitudes qui s'évanouissent, ceux qui n'ont que faire d'une félicité couleur de ciel bleu, immobile et vide.

lundi 14 novembre 2011

Les chouettes chaussettes de l'archiduchesse


J'ai aujourd'hui une folle envie de parler chaussettes. De vraies chaussettes, les seules qui vaillent, celles qui sont tricotées à la maison, avec tous les restes de laine rescapés de travaux d'aiguille plus ambitieux, et enroulés en petites pelotes et écheveaux qui tapissent le fond de la corbeille à ouvrage. Je trouve que le bas de laine est un sujet approprié aux temps de crise. Il suggère l'économie, mais plus que la sauvegarde d'un pécule chargé de se prémunir d'un avenir incertain, il concrétise le talent de créer quelque chose de beau avec presque rien. Les chaussettes tricotées sont généreuses : elles sont confortables, chaudes, affectueuses avec les pieds, et leur côté roots, qui pourrait manquer de raffinement dans certaines circonstances, n'est pas un handicap pour notre image, si leur usage est réservé à l'intimité du foyer. Leur aspect définitif est assujetti à la quantité de laine dans les pelotes, aussi elles sont le plus souvent dissemblables, mais toujours leur duo reste harmonieux. Singulières mais néanmoins en couple, elles remplacent avantageusement tous les chaussons et autres pantoufles, la plupart du temps totalement dépourvus de sex-appeal. Je le proclame, la chaussette de laine tirebouchonnée sur un pantalon de jogging avachi a un effet désastreux sur l'estime de soi ( la nôtre, et celle que les autres nous portent ) et l'apanage des archiduchesses revêches et souillons, mais avec un short moulant et des gambettes qui vont avec, le résultat est tout autre. La version plus chic, assortie d'un long pull-over cachemire, est une suggestion réservée aux princesses. Et puis, évoluer dans la maison en chaussettes, permet de s'adonner au plaisir de la glissade comme moyen de locomotion et de gagner un temps précieux dans la traversée du couloir, comme de s'asseoir sur les fauteuils les jambes repliées sous les fesses, ma position favorite, sans avoir besoin d'enlever ses godasses. Là aussi l'avantage est loin d'être négligeable, sans compter le frisson né de la transgression délicieuse d'un protocole guindé. Je m'élève fortement contre cette opinion qui accuse la chaussette de laine d'être urticante. Elle s'adoucit au fil des lavages, et devient moelleuse en prenant de l'âge, et les pieds délicats peuvent être protégés en glissant sur leur épiderme fragile une fine socquette de fil, ou, luxe extrême, de soie, tout risque d'allergie ainsi définitivement écarté.

Dernier point que je tiens à soulever ici, la chaussette tricotée donne envie de la repriser pour la garder plus longtemps. Le raccommodage contribue encore à accentuer la tendresse qu'elle provoque en soi, et son joyeux rafistolage évoque la compassion. Je suis intimement persuadée des vertus de la réparation des choses sur la guérison de nos propres blessures. Repriser, repeindre, restaurer un meuble par exemple, nous aident à reconquérir notre appétit de vivre en reconnaissant nos bobos intimes qui deviennent nos forces alliées. Si la bienveillance s'installe pour nous-même, elle a de fortes chances de s'étendre aux autres. Ainsi la chaussette de laine tricotée agit comme une bienfaitrice de l'Humanité.

Noël approche, et j'offre au famous blog un sapin primeur. J'ai découvert un parapluie Christmas tree du plus bel effet. Se protéger des gouttes de pluie sous un arbre de Noël en nylon vert à étages, bordés d'un ruban froncé, est une perspective qui me ravit. J'imagine quelques boules supplémentaires, de quoi me transformer en carte de voeux ambulante, allumer le temps maussade et raviver Noël dans le coeur des passants.

mercredi 9 novembre 2011

L'ivresse des profondeurs



Une bourgade de la Côte d'Azur s'illustra dans les années 50 dans la fabrication de barbotines charmantes et lumineuses que l'on trouve encore dans les brocantes et les vide-greniers. Amphores brisées dont la béance laissait voir l'intérieur, poissons le ventre découpé, coquillages aux valves entrouvertes laissant admirer un décor marin, algues dentelées, petits poissons frétillants, anémones ébouriffées, coquillages et étoiles de mer. Les couleurs de la faïence étaient vives et pimpantes, brillantes et surlignées de filets d'or, et une petite ampoule s'allumait le soir, révélant les profondeurs d'une grotte, accrochant des reflets d'émail et de nacre. Le fond de la mer devenait bijou de fantaisie, petit trésor de pacotille dans son écrin, luisant gaiment dans le noir de la chambre, découpant des formes sous-marines au plafond et veillant paisiblement sur le sommeil. Les barbotines de Vallauris devinrent célèbres, contrepoint populaire et accessible des créations illustres de Picasso, Chagall ou Matisse, transportant le soleil et la luxuriance de la Méditerranée, univers miniature éclatant de vitalité, dans les foyers de France. Elles pétaient la joie, un tantinet vulgaires et totalement kitsch, clinquantes, excessives, ravivant sans complexe le souvenir des vacances. Elles trônaient sur la télévision aux formes arrondies, sur le rebord en brique rouge de la cheminée, et la table de chevet en rotin, parfaitement assorties au lampadaire en fer forgé, éléments incontournables de la déco des années 50, qui s'affranchissait de la grisaille et de la sévérité. Même le fil électrique était décoratif, turquoise ou orange, et le soin du détail contaminait l'interrupteur en bakélite ( petite olive craquante avec son poussoir récalcitrant ) et la prise, parfois bicolores. Elles allumaient une part de rêve et de légèreté, témoins naïfs du développement du tourisme de masse sur la côte d'Azur, icônes, avec les cartes postales dentelées, et les coffrets à bijoux incrustés de bigorneaux ( ah ! la petite étiquette en papier doré, estampille de la mémoire ), du souvenir fabriqué en série.




Les années 50 affranchirent l'utile, il devint esthétique, plein d'esprit et ludique. Les potiers de Vallauris ne furent pas en reste, et surfèrent sur la vague déco déferlant sur l'objet du quotidien, pas toujours avec bon goût mais souvent avec exubérance. Les tasses se hissaient sur 3 petits pieds et décollaient des soucoupes, les plateaux à fromages se faisaient remarquer, les vases enroulaient leurs anses démesurées, les cendriers se muaient en coquillages, les raviers en feuilles vernissées, les poissons en pichets avec des nageoires, les légumes en salières... Une folle transmutation des genres et des usages, des surfaces laquées dévorées d'écume, des éclaboussures, des taches vives qui se rétractaient sur des fonds sombres incorruptibles, des entrailles écarlates, et le noir faisait chanter les couleurs qui explosaient. La notion d'utilitaire s'élargit pour stimuler la pulsion consumériste, et la ménagère branchée s'offrit le luxe du superflu, le service à liqueur devint indispensable, le bougeoir incontournable et la bonbonnière, une pièce maîtresse de l'intérieur moderne, organisé et beau. La vaisselle quittait la cuisine, s'échappait du placard, guinchait jazzy, musette, opéra de quatre sous, frimait et s'exhibait, déchaînée.

mardi 8 novembre 2011

Mystères et boules de gomme

Tout au long de mon enfance, des expressions, des phrases mystérieuses glanées au fil des conversations des adultes me plongeaient dans la perplexité la plus complète et m'entraînaient dans des rêveries sans fin. L'une d'elle était la flamme du soldat inconnu. Combien de suppositions, d'interprétations toutes plus fantaisistes les unes que les autres, que je préférais à une explication me ramenant à la réalité la plus triviale. Cette fameuse flamme m'enchantait. Elle éclairait pour moi la voie du courage, de l'audace, et de la passion qui enfiévraient ce militaire mystérieux, qualités si intenses qu'elles ne pouvaient s'éteindre et continuaient à flamboyer sous l'Arc de Triomphe. J'appris que la nation prenait soin tous les jours de son feu patriote, pour le remercier d'avoir autant brûlé pour elle. J'étais remplie d'admiration devant une mission aussi élevée : raviver la flamme pour qu'elle ne meure jamais. J'hésitais longtemps pour choisir ma destinée. Raviveuse de flamme me semblait enviable, j'ignorais alors qu'il existait de multiples façons d'allumer les passions. Mais mon enthousiasme fut enseveli sous les révélations les plus sombres. J'appris que les hauts faits du soldat étaient muets, comme sa biographie. S'il était inconnu, c'est parce qu'il était méconnaissable. Le trouble excitant du héros masqué s'évanouit, pour laisser place au cadavre déchiqueté d'un pauvre troufion, à jamais sans histoire, sans famille pour le réclamer, sans amis pour le veiller, et sans amour reconnaissant pour déposer sur sa tombe des fleurs.
La salle des pas perdus connut le même dénouement. Quelque part, un lieu affamé engloutissait les pas de ceux qui en foulaient le sol, un lieu où l'on marchait en vain sans trouver d'issue, où les traces s'effaçaient ! Je découvris que l'espace glouton n'était qu'un vulgaire vestibule où l'on trépigne, un passage anonyme que l'on traverse en se pressant, une salle d'attente où l'on fait les cent pas. C'était partout et nulle part, seule la démesure glaciale de l'endroit dominait, qui interdisait à chacun de s'y attarder, même pour reprendre son souffle.





Heureusement, l'initiative récente du designer Charles Kaisin a sauvé pendant quelques mois de la froidure polaire, la salle des pas perdus du Palais de Justice de Bruxelles. Sur une immense trame de fils rouges tissés au plafond, il a suspendu 10.000 origamis, des fleurs d'iris pliées dans des pages du code civil et pénal, un travail minutieux réalisé par des détenus de la prison de Saint Gilles. Un champs de fleurs virevoltait au-dessus des têtes au moindre souffle d'air, fragile kaléidoscope de papier, éphémère et ludique. Le passant étonné ralentissait sa course et s'arrêtait le nez en l'air. Le pas perdu n'était plus égaré, et reprenait son chemin après une halte récupératrice de forces nouvelles.


Poupon baveux
Je sus très vite que la destinée humaine pouvait être rude, et qu'il fallait s'attendre à lutter le plus clair de son temps, mais en baver des ronds de chapeau, alors ça, c'était inacceptable. Baver, c'était déjà dégoûtant, et ressembler à une gargouille barbouillée de salive ne me tentait pas du tout, mais cracher, que dis-je, expectorer des chapeaux mutilés, c'était effrayant. Je plaignais sincèrement les malheureux soumis à ces abominations, qu'avaient-ils donc fait pour mériter une telle humiliation ? Pour accroître encore le tragique de leur situation, les chapeaux bavés devaient avoir piètre allure, tout ramollis, informes, vaguement visqueux, et dépourvus de bords. De misérables cloches, galurins définitivement irrécupérables !

J'aborde encore une fois la religion, pour évoquer l'ImmaTRIculée Conception. J'avais une dizaine d'années je crois, et j'ignorais tout du mot immaculée. J'ai cherché à faire mon arrogante, et mademoiselle je sais tout s'appropria le vocable inconnu en misant sur de vagues réminiscences qu'elle ne maîtrisait pas. Mon bricolage linguistique accrut ma perplexité. L'Immaculée Conception, mystère déjà complexe à appréhender si l'on n'est pas doté d'une foi solide, devenait une aberration pour l'entendement, affublée d'une plaque minéralogique. La Vierge Marie avait mis au monde le petit Jésus, jusque là je comprenais à peu près la situation, je refusais néanmoins les détails scabreux concernant le fruit de ses entrailles ( beurkkkkkkkk ! ), et le fait que Joseph était bien son mari, mais pas le père de son divinenfant. Le père, me laissais-je dire, bien qu'une telle révélation me heurta, le père était Dieu, qu'elle n'avait jamais rencontré mais qu'elle connaissait quand même. Soit, mais je mis davantage de temps à accepter que la maternité de Marie nécessitât qu'on la numérotât. Marie, première mère porteuse bénévole de l'Histoire, fallait-il l'identifier comme le saint véhicule qu'elle était ? Transportant Jésus dans son ventre sur des routes peu sûres, pouvait-elle s'égarer, et ainsi son matricule lui garantissait d'être identifiée, reconnue et protégée ? Je me rangeais à cette explication, somme toute satisfaisante, parce qu'elle rendait à Marie sa dignité et sa valeur, et à son miraculeux lardon sa qualité de colis exceptionnel.
Une dernière question me hante. Pourquoi dit-on, lorsque une conversation s'éteint et que le silence se fait, pourquoi dit-on toujours qu'un ange passe ? Et s'il passe, pourquoi ne s'arrête-t-il jamais ?

dimanche 6 novembre 2011

Bêtes à Bon Dieu




Quand j'étais enfant, Sainte Agathe me collait la frousse, avec son plateau sur lequel ses deux seins étaient sagement posés. Deux jolis mamelons, comme deux îles flottantes, qu'elle semblait vouloir absolument à offrir au dessert, sans s'apercevoir de l'incongruité de son cadeau, se livrant sans honte aucune à un strip-tease extatique et morbide. Les pâtissiers, émus par son geste, ont décidé de l'honorer et de créer la recette de ses tétons tout ronds, petits gâteaux rebondis ponctués d'une cerise confite. Ainsi, chacun peut se souvenir de Sainte Agathe en se léchant les babines, et c'est plutôt une bonne nouvelle, la gourmandise soignant plus efficacement le moral que l'effroi. Agathe ayant décidé très tôt de se consacrer à Dieu, elle refusa fermement les avances d'un prétendant puissant et jaloux qui se vengea de son audace. Mise au cachot, elle ne céda pas, et resta fidèle à son maître divin, même après que le bourreau lui ait arraché ses saints nichons à la tenaille. Agathe est montée au Paradis, et ses deux seins arrachés qui l'avaient amplement mérité l'ont accompagnée, solidaires de son illustre destin de sanctifiée pour les siècles des siècles.

RECETTE DES TETONS DE SAINTE AGATHE
                                                  
Très saints seins
Pour 6 petits nichons :
3 oeufs
75g de farine
75g de sucre
1 citron
1 pointe de sel
150g de sucre glace
1 blanc d'oeuf
2 c.c de vinaigre blanc ou jus de citron                                
Cerises confites
   


Râpez le zeste de citron et réservez. 
Tamisez la farine et réservez. 
Cassez les oeufs dans un saladier, fouettez avec le sucre. 
Placez le saladier dans un bain marie pour obtenir un mélange mousseux. 
Incorporez la farine petit à petit avec une cuillère en bois. Rajoutez les zestes du citron.
 Préchauffez le four à 180° ou th. 6. 
Répartissez la préparation dans des petits moules ronds et laissez cuire 15 mn.
Démoulez et laissez refroidir. 
Pendant la cuisson, préparez le glaçage. Mélangez à la cuillère en bois le sucre glace, le blanc d'oeuf, 
le vinaigre ou le jus de citron. 
Piquez les tétons d'une pointe de couteau placée en biais ( l'horreur continue )
et trempez les dans le glaçage. 
Déposez les sur une grille recouverte de papier cuisson,
posez une jolie cerise confite sur le dessus, et laissez durcir !!!!.

Blandine et les lions. Version expurgée.

J'avais un livre d'histoire à l'école qui racontait les persécutions subies par les premiers chrétiens, et qui citait comme exemple édifiant le martyre de Sainte Blandine. Ma mémoire conserve intacte les détails de cette terrifiante illustration du combat spirituel de cette jeune donzelle pure et très vaillante. Parce qu'elle s'entêtait, et ne voulait pas renoncer à sa foi, la douce Blandine fut livrée aux lions dans l'arène. Alors que les autres croyants jetés aux fauves étaient dévorés tout crus, elle fut épargnée ( cela s'appelle un miracle ! ) et les bêtes féroces s'assirent à ses pieds mignons, sur lesquels la poussière et le sang de ses compagnons d'infortune glissaient sans laisser de sinistres macules. Une image du livre montrait Blandine, drapée dans une longue robe blanche aux plis impeccables, les lions soumis bien sagement assis. Tout autour dans l'arène, des paquets sanglants figuraient les restes des chrétiens déchiquetés, petits tas informes qui me submergeaient de dégoût. Animée d'un fol espoir, je regardais Blandine, qui étrangement levait les yeux au ciel, comme si tout ce cirque l'ennuyait prodigieusement ! Fut-ce pour la punir de son manque d'intérêt affiché ( il est vrai que dans sa situation, elle devait se montrer davantage concernée ) mais Marc-Aurèle, empereur à l'époque, plutôt blasé question miracle, refusa de reconnaître ses talents de dompteuse. Alors que je la croyais sauvée, la pôvrette fut flagellée, rôtie sur un grill rougi au feu, imaginant l'aspect que la malheureuse pouvait bien présenter après un tel mode de cuisson, mon coeur se soulève, mais rien n'y fit. Elle persistait à vouloir rester en vie. Je t'en supplie, Blandine, accepte de mourir, je n'ai que 7 ans, tu ne peux pas continuer comme ça à m'infliger ton calvaire. Pour finir, entortillée dans un filet, elle fut jetée entre les cornes d'un taureau furieux qui eut ( enfin ! ) raison d'elle. C'est exceptionnel comme façon de mourir, et je reste confondue par la créativité des tortionnaires de son temps. Après un tel traitement de faveur, elle eut le droit d'aller au Paradis, où Dieu l'attendait sans impatience malgré le temps qu'il lui avait fallu pour le rejoindre ( et dans quel état elle arriva ! Est-ce qu'elle est restée comme ça pour l'éternité, carbonisée et sanguinolente, éclaboussant de vermillon la blancheur du Paradis, la ouate des nuages et les robes immaculées des anges ? ).
Pour aller au Paradis, il faut faire des choses invraisemblables, lécher les plaies des lépreux, garder un corps intact et sentir bon longtemps après la mort ( valable uniquement pour ceux et celles qui n'ont subi que des tortures intérieures ), se faire écorcher, découper en rondelles, frire, percer de flèches, et comme Sainte Catherine décapiter au sabre. Une charmante comptine raconte son histoire exemplaire.

Catherine était la fille, la zim boum boum, 
Catherine était la fille, la fille d'un méchant roi, voilà, voilààààààààà, 
Catherine était la fille, la fiiiiiiiiiiiiiiiille d'un méchant roi.

Catherine désobéit à son père, qui lui interdisait de prier. Je ne sais pas comment elle avait pu se mettre dans une situation pareille, mais il la surprit agenouillée au pied de la croix. Absorbée dans sa pieuse méditation, je suppose, elle ne l'entendit pas arriver, elle avait oublié de fermer la porte de sa chambre à clef, encore une téméraire qui devait gagner son Paradis, et qui mettait les bouchées doubles. Le père, possédé d'une ire royale, décida de la tuer sur le champ. Mais il n'était pas très doué pour les châtiments expéditifs, et dut s'y reprendre à trois fois. La première fois il la manqua, la deuxième il la blessa, et la troisième, la zim boum boum, la tête lui trancha. Avec un sabre, un coutelas gla gla ou une hache, les versions diffèrent. Tout ça sur un rythme joyeux et alerte ( endiablé ne saurait convenir à cette pieuse ritournelle ), pour enchanter les enfants innocents et les encourager dans la foi. Catherine Zim boum boum a aussi sa pâtisserie, qui célèbre davantage les marchés agricoles organisés au moment de sa fête, qu'un détail particulier de sa biographie : un petit cochon en pain d'épice, recouvert de chocolat, et qui arbore fièrement, planté dans son derrière, un petit sifflet en buis !
Moi, la couronne d'épines enfoncée sur le front du Christ, la lance plantée dans son flanc qui palpite, les crucifiés du Golgotha, dressés sur le ciel noir et menaçant, l'éponge de fiel, son sang qui ruisselle et Dieu son père qui l'abandonne au pire moment de sa vie, tout ça m'arrachait des sanglots. Je ne voulais pas que le Christ ait enduré tout ça pour moi, je me sentais coupable et affreusement triste, je n'avais pas envie de boire son sang par dessus le marché, ni me repaître de son corps à chaque messe. Et quand il ouvrait sa chasuble pour exhiber son énorme coeur rouge qui devait faire un boucan d'enfer, je ne pouvais pas le supporter. Quand on a essayé de me récupérer en me parlant d'amour, de compassion, de joie entre les joies, j'ai été incapable d'y croire. Rien n'a pu me consoler, ni me rassurer, dans ce monde effrayant où les anges entrent sans frapper parce qu'ils ont des choses graves à annoncer, où les buissons s'enflamment sans crier gare, où les amis trahissent dans un baiser, où de pauvres paysannes qui ont assez de soucis comme ça, se mettent à saigner des mains et des pieds, handicap majeur pour continuer à travailler dans les champs et nourrir une famille nombreuse qui crie famine. Pour aller au Paradis, il faut d'abord vivre l'enfer. Et en mourir.
Pour arriver à avaler ça, je devrais inventer une recette de gâteau, un enfer au chocolat noir, dégoulinant de coulis de fruits rouges, fourré d'amandes effilées comme des lames de rasoir, surmonté d'un paradis moelleux et fondant, nimbé d'un nuage de crème Chantilly, lumineux et pur.