La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

lundi 4 juillet 2011

Lutins chagrins

Coup de foudre.
Une image prise il y a quelques jours me fait sourire et je l'ai choisie pour enluminer le famous blog. Parce qu'elle est tendre et illustre parfaitement les mystères de l'amour.
Puisque me voilà aux abords incertains du domaine de l'inexplicable, d'autres bizarreries me laissent perplexe. Les chaussettes qui disparaissent dans la machine à laver et laissent systématiquement leur jumelle orpheline. Certains sont persuadés que des lutins zinzins les kidnappent. Si j'accorde du crédit à cette croyance, je dois reconnaître alors que la vie est hantée de petits esprits chagrins avec un grain qui sévissent en bandes organisées et occupent des territoires particuliers. Le tiroir à culottes est l'un de ces no man's land où la moindre tentative d'imposer l'ordre se solde par un échec cuisant. Le chaos se réinstalle inexorablement. Les petites culottes pliées et empilées, alignées en rangées sages après chaque intervention disciplinaire, se jettent furieusement les unes contre les autres dans l'obscurité du tiroir refermé. Quels mauvais génies sèment la zizanie ? En un temps record, la mutinerie s'installe, la mêlée se dilate et déborde. Essayer de contenir une armée de petites culottes récalcitrantes, et  contraindre ces possédées à baisser la tête pour fermer le tiroir, est une tentative héroïque et désespérée.
Une autre bande de mauvais aloi, d'origine scandinave, a envahi la plupart de nos foyers et fait régner la terreur. Leurs noms étranges résonnent de manière inquiétante dans nos imaginaires effarés, Skubb, Jonsbö, Gryby, Björkefall... Ils se glissent dans les notices de montage des meubles Ikea, leur compatriote, qui a décidé de convertir le monde à sa conception du bonheur, pratique, modulable et démontable. Voyageurs clandestins des colis de livraison, ils brouillent les explications, bouleversent l'ordre des opérations de montage, pervertissent les schémas... et pour parachever leur oeuvre malfaisante, dérobent la dernière vis, dépareillent les écrous et cachent la clef magique, outil indispensable qui demeure introuvable dans le carton d'emballage, pourtant exploré de fond en comble.
Je connais aussi les lutins vauriens du fer à repasser, ceux qui applaudissent à chaque mauvais pli, les salopiots de la housse, qui n'aiment rien tant que s'opposer à toute cohésion avec la couette et rechignent à l'envelopper harmonieusement, à moins que la discorde ne soit entretenue par les rebelles de la couette qui refusent de pactiser, de faire corps, et entretiennent des bosses de résistance et autres remous obstinés, les lutins pervers, fétichistes des clefs de voiture, introuvables au moment de partir alors que le temps presse, leurs cousins affreux jojo qui ne s'attaquent qu'aux lunettes, les séquestrent et ne les libèrent que lorsque le désespoir nous pousse à abandonner les recherches.
Un clan de lutins délinquants est cependant en voie de disparition, décimé par les innovations technologiques d'un monde qui progresse sans relâche. Il dominait depuis des décennies le peuple des robinets, avant l'arrivée des mitigeurs, qui précipitèrent son déclin. Ces barbares déchus, venus du nord de l'Angleterre, plus précisément de la région des Highlands, prenaient un malin plaisir à perturber l'équilibre du mélange chaud et froid de l'eau dans les tuyaux, nous soumettant brutalement aux affres de la douche écossaise.
La liste de ces trublions n'est pas exhaustive. Je me souviens de l'attaque d'une bande plus discrète, mais néanmoins efficace, spécialiste du kidnapping de code de carte bancaire. Le doigt paralysé sur le clavier au moment de régler l'addition ou de retirer de l'argent, nous voilà dépité et stupide, sous le regard incrédule et impatient des témoins de ce rapt silencieux.