La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

mercredi 25 mai 2011

Le béat et les bibis

Le pape Jean Paul II ne peut être encore canonisé, ou reconnu comme un saint indubitable. Il lui manque encore deux ou trois miracles, il n'en comptabilise qu'un, le pauvre, et un seul petit miracle, même authentifié par les autorités compétentes, ne fait pas un saint digne de ce nom. Soeur Marie Simon Pierre, petit miracle à elle toute seule, ne suffit pas à faire sanctifier son pape vénéré. Un seul miracle rend seulement béat, être estampillé saint, c'est la classe au-dessus. Le pape Jean Paul II conserve après sa mort l'affection de nombreuses brebis enthousiastes. Leur ferveur pourrait bien amener les instances supérieures à reconnaître subito presto les miracles qui manquent encore à son palmarès de béat en pleine béatitude posthume. Tout le monde sait que la foi fait des miracles ! Jean Paul II aura son jour dédié, à la queue leu leu sur le calendrier, derrière le curé d'Ars, Catherine Labouré, Jeanne de Chantal et Jean François Régis, tous très saints, très pieux, et le plus souvent très pauvres ( sauf Jeanne de Chantal, baronne exceptionnelle, dotée, mais néanmoins compatissante ).



J''adore la tête chapeautée de la Reine d'Angleterre, je guette chacune de ses royales apparitions, certaine d'être systématiquement récompensée de ma ferveur. Lors du somptueux mariage de William et Kate ( me voilà m'appropriant les grands de ce monde ! ), elle était en jaune de la tête aux pieds, un moyen d'être toujours visible aux yeux de ses sujets, et d'éclairer son peuple de sa radieuse présence, lutin allumé, lumignon vacillant mais néanmoins repérable quelles que puissent être les conditions météo. Après le mariage, elle portait un vert tendre intégral, style petit pois écossais. Elle arbore parfois des floraisons, semis de pâquerettes juvéniles, roses épanouies, violettes surannées, mais affectionne particulièrement les piqués de noeuds plats ou rebondis, ponctués de plumes, aigrettes altières ou empennages décidés. Tout, chez la Queen mother, a de la tenue. La fleur est élégante et racée, le pétale a du peps, le noeud ponctue ou enserre avec grâce et autorité, la plume s'élance, conquérante et noble. L'édifice à fière allure, stable, dominant mais sans ostentation, une pointe de fantaisie déridant l'ensemble, et dynamique. Si la reine devait un jour avaler son chapeau, nul doute qu'autant d'équilibre et d'harmonie l'immunise contre l'indigestion.

Le pouvoir royal britannique déchiffré sur un couvre-chef ? La règle de conduite absolue d' Elisabeth empêchant tout relâchement,  "never explain never complain",  je ne peux m'empêcher de rechercher sur la souveraine tête coiffée, comme une proclamation faite à son peuple, et au monde, fermeté et dignité savamment dosées, dans les limites que le protocole autorise, of course, dear.
                                                   

 




Délicieux florilège des chapeaux de la Queen sur Noblesse et Royauté, site enchanteur dédié aux têtes couronnées, croquées dans leurs plus beaux atours.








jeudi 5 mai 2011

L'ombre numineuse



 Lettonie, 2002
Les images de Klavdij Sluban, exposées à l'Hôtel des Arts, à Toulon, m'ont littéralement sidérées. Une jubilation un peu anxieuse de me laisser ravir par cette ombre crépusculaire et veloutée, le grain très doux du papier appelant la caresse. Transportée hors de la réalité familière, j'étais au coeur du mystère, étrangère, détachée, mais en même temps subjuguée par ce que je reconnaissais. Mon ombre intime et ses fulgurances.
Un noir intense et absolu révèle des espaces abstraits, fragments arrachés à nulle part. Des contrastes somptueux, des gammes infinies de gris et de blancs montent des profondeurs. Un noir qui respire, habité. Comme un souffle d'une délicatesse infinie, la lumière, spectrale, affleure, sourd du néant, une buée fragile flotte et semble hésiter avant peut-être de sombrer, happée par l'ombre dense qui s'étend. Du quotidien rude et ingrat émane une clarté singulière.
Qui vient à ma rencontre, qu'est-ce qui remonte des profondeurs, et me bouleverse, et me transforme ?


 Mer Noire
Une tentative désespérée de ravir une image au néant, lancé en avant dans une course éperdue, sauver la vie de la nuit qui gagne si personne ne tente rien, capter l'infime présence avant de la quitter pour toujours, avant qu'elle ne se dissolve, avalée, au moment exactement où elle émerge... Apparition fantôme, mais si assurée, imposée au milieu exactement de l'image... Impitoyable.
Des phares de voiture allument le chemin désert avant de disparaître, des troncs graciles de bouleaux argentés griffent l'obscure forêt, un visage noyé de givre dans la vitre d'un bus surnage, nénuphar hypnotique, un chapeau de paille comme une auréole oscille au-dessus d'une tête effacée, une silhouette brumeuse dans un halo s'effiloche... rien pour se retenir, se planter là, aucun appel, aucune invitation à trouver le repos, à renoncer à la solitude, à chercher toujours, le silence de figures à peine entrevues, impénétrables, qui renvoient à l'errance, lieux désolés et perdus qui racontent l'exil... et pourtant, une douceur poignante et inattendue s'insinue dans cette quête obstinée. Je communie profondément avec ces visages inconnus et muets, ces paysages fossilisés, obscurs et irradiés. J'entends murmurer, doucement, et je résonne comme un tambour.

 Kaliningrad 2004
Cette expérience des confins parle de territoire intérieur. D'exploration exigeante de paysages intimes, une soif inquiète de la rencontre, de l'autre, de soi, de l'autre en soi. Connaître et se reconnaître. Un engagement à éprouver les limites, une implication à s'aventurer le plus loin possible, au-delà. Le risque de se perdre comme une chance de pouvoir se trouver, mesurer le chaos, à l'intérieur de soi, dehors, frissonner à l'immensité, se cogner aux murs, déchiffrer les ténèbres et libérer la clarté. Là, tremblante, une lueur monte, s'affirme, brille d'un éclat aveuglant, l'espérance de l'humanité, comme seul refuge.