La Princess' plus camion que carrosse qui préfère la fée Carabosse.

samedi 13 novembre 2010

Célébration

Le jour de mon anniversaire est chaque fois l'occasion de célébrer ma propre vie, de fêter le chemin parcouru, et encouragée par Walt Whitman, d'entamer la piste ouverte, le pied sûr, le coeur léger. C'est le jour où je prends un peu de hauteur, non pas une attitude arrogante, mais plutôt une posture perchée qui favorise une vision large, embrassée. Une année arrive à son terme, que j'honore, et de nouvelles possibilités s'offrent à moi, que je salue. Dans le moment présent, je reconnais le passé et je m'engage dans l'avenir. C'est un jour de fête, je lui tends les bras, plus tard je le prendrais à bras le corps, et dans cette confrontation amoureuse, j'inventerais la vie.
Apprécier ne serait-ce qu'un petit effort, mesurer ne serait-ce qu'un petit pas, reconnaître le plus infime frémissement de vie caché au coeur des jours permet de prendre son élan vers le futur qui s'annonce. C'est le moment favorable pour une promesse. Je fais chaque fois le serment de franchir une montagne, une colline, un dos d'âne, de sauter par dessus une mer tumultueuse, une rivière, une flaque d'eau après la pluie, de m'élancer vers l'avant, de me hisser vers le haut. Je veux encourager ma tendance naturelle à devenir meilleure, épouser la vie. Je fais le serment de demeurer un coeur qui pense, et d'écrire à tue-tête, et de trouver au réveil le matin prometteur.
Yasushi Inoue dit qu'il faut aimer le mois de sa naissance comme son pays natal. Mon pays s'appelle Octobre, c'est là que je suis née, dans la flamboyance des feuilles embrasées, les mousses frisées gorgées de pluie, le parfum capiteux de la forêt, senteurs de champignons et d'humus mêlés, dans la lumière transparente troublée de brumes. Chaque jardinier, l'automne venu, se transforme en indien nouveau genre. Cet Iroquois des plate-bandes communique avec ses voisins à l'aide de signaux de fumée. D'épais panaches s'échappent des braseros qui consument branches et feuilles tombées, et libèrent un parfum de bois et de marron. L'air immobile attend d'être habité. En communion avec les arbres silencieux, il espère les oiseaux qui viendront le coloniser tout l'hiver. J'attends aussi, la pluie soudaine et drue, les bourrasques qui disloquent les persiennes, les étourneaux bavards. Je suis née avec les mandarines grenues coiffées de feuilles vivaces miraculeuses, les petites pommes tigrées, les noix secrètes. Avec la mer qui monte haut et les vagues qui entraînent le sable, laissant à chaque caresse sur la plage entamée, des verroteries polies, des bois lavés, des coquillages usés et aplatis, des trésors roulés, essorés, chahutés, rendus à une douceur émouvante, révélés. Octobre dévoile l'essence des choses, les squelettes des arbres laissent passer le paysage, le sable enfui sur la plage dénude les pierres de remblai et le béton, les volutes de fumée dessinent le ciel immense, la pluie efface les traces, rince les couleurs, rafraîchit les contours. Je partage l'automne, Octobre est ma saison intérieure.